mercredi 25 décembre 2013

Jour 7 - Et la suite…?

Lundi 16 décembre
L'art, geste d'espoir et de paix...


Aujourd'hui, une grande partie de la journée a été passée en réunion avec Taïgue afin de planifier les suites de ce séjour – car il y en aura. Taïgue en a profité pour nous résumer son travail auprès des jeunes de N'Djamena depuis près d'un an et auprès des réfugiés depuis 2006. Je ne cesse d'être frappé par la volonté de fer, par l'humilité et par l'intégrité de Taïgue dans son travail. Il nous a rappelé les raisons qui motivent son acharnement à apporter diverses formations (danse, acrobatie, théâtre) aux jeunes d'ici. Beaucoup n'en ont jamais fait, certains n'en ont jamais vu. Ils n'ont ni l'habitude ni la conscience de la scène. Ultimement, le but est d'offrir des outils de sensibilisation aux tchadiens – la santé, la paix, la non-violence sont au cœur des préoccupations. On cherche donc à créer des jeux – éventuellement des pièces – qui sauront devenir des moteurs de bien-être et de mieux-vivre.

Taïgue nous a ainsi expliqué les origines du projet « Tallou Nalabo » auquel nous prenons part. D'abord imaginé dans cinq régions du Tchad avant d'être réduit à cinq quartiers de la capitale pour raisons financières, le projet a pour but de réunifier le peuple par l'art – entreprise ambitieuse s'il en est. En effet, le Tchad a été tellement souvent déchiré par les guerres civiles que la rancune et la vengeance sont, malheureusement, chose courante. Le projet a lieu depuis le mois de juin dans les quartiers de Moursal, N'Djiari, Chagoua, Walia et Farcha. Les formateurs (danse, acrobatie, théâtre) travaillent tous les jours, pendant un mois, dans un quartier, avant d'être permutés. Les résultats de « Tallou Nalabo » sont probants : on en redemande. Dans certains quartiers, les jeunes se rencontrent à l'extérieur des ateliers – et ce de leur propre initiative – afin de monter de petits spectacles ou simplement de se pratiquer ensemble. Taïgue conçoit le travail avec les jeunes en trois étapes : d'abord, intriguer les jeunes par des performances; ensuite, donner l'envie à l'art et au jeu par des formations à la fois rigoureuses et ludiques; enfin, utiliser les outils reçus afin de sensibiliser la population.


Le projet dans les camps de réfugiés est une toute autre initiative dont les objectifs sont semblables : paix, intégration, retour à la culture, sensibilisation, unification des différentes ethnies par l'art. Depuis 2006, Taïgue se rend dans les camps de réfugiés pendant plusieurs semaines chaque année.. Initiative volontaire dans un premier temps, elle a failli être annulée lorsque le Haut-Commissariat aux Réfugiés (UNHCR) a refusé de financer l'évènement. Les réfugiés se sont révoltés, forçant le UNHCR à reprendre Taïgue – et, cette fois, à le payer – pour rétablir la situation. Les participants ont, dans plusieurs cas, changés. Certains venaient danser le jour et étaient rebelles la nuit, allant combattre dans les régions. Au fur et à mesure ils ont avoué, ont laissé leurs armes bref, ils ont trouvé un sens nouveau à la vie. Le travail dans les camps de réfugiés est très particulier et demande une grande sensibilité de la part des formateurs. Les réfugiés sont souvent violents, fâchés, révoltés contre ceux qui « vont bien ». L'approche doit être faite avec tact et douceur. Taïgue nous a expliqué que certains de ceux qui étaient le plus violents au départ sont maintenant les leaders des groupes de danseurs dans les camps. Touchant.

Nos ateliers en après-midi avaient lieux sur la scène du Ballet National dans le quartier de Moursal. Ce groupe est composé de tout-petits poux de 6 à 10 ans. A-d-o-r-a-b-l-e-s. C'est un si grand bonheur que de travailler avec les petits. Ils sont disponibles, frais et, surtout, ils veulent jouer. Ils ont tout ce qu'on se bat pendant des années à ré-apprendre aux jeunes adultes qui étudient le théâtre. C'est aussi encourageant de voir cette bande d'enfants si intéressés par la scène – c'est de bon augure pour les années à venir!

Je vous laisse sur ces quelques réflexions, lancées en fin de réunion :
L'art est, en soi, politique. Faire de l'art, c'est poser un geste d'espoir et de paix. L'art permet d'articuler un discours et, ensuite, de le partager au monde. L'art a une fonction : il offre des outils permettant d'ouvrir et d'élargir les consciences, de parler du monde, d'en constater la beauté comme les absurdités et d'y réfléchir. L'art est moteur de changement.



Liens pertinents :
Association Ndam Se Na
**Voir le reportage du réseau CNN sur le travail que mène Taïgue Ahmed dans les camps de réfugiés** 


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